Archives mensuelles : mars 2022

mauvaise

© Christophe Raynaud de Lage

Texte de debbie tucker green, traduit de l’anglais par Gisèle Joly, Sophie Magnaud, Sarah Vermande, mise en scène Sébastien Derrey. Vu à la MC93 Bobigny. À voir, du 5 au 15 avril 2022, au T2G Théâtre de Gennevilliers.

On entre au cœur du psychodrame familial par un psaume fredonné de type gospel, puis de plein fouet dans la brutalité du langage. Une jeune femme se déchaîne (Lorry Hardel) contre sa mère (Nicole Dogué) et l’insulte. La scène est d’une violence inouïe, immédiate et rythmée. A l’arrière, en retrait, le père, assis sur une chaise, figé et comme absent. « Dis-le ! » lui hurle-t-elle. On comprend vite ce déchaînement dont le protagoniste étrangement restera l’outsider (Jean-René Lemoine). D’ailleurs, pourquoi ne pas titrer la pièce « mauvais » puisque le masculin l‘emporte si facilement et que ce père, implicitement, est désigné coupable.

© Christophe Raynaud de Lage

Le mot – inceste – n’est pourtant jamais prononcé, car la loi du silence a permis l’accomplissement de l’acte. On assiste à l’affrontement de Fille face à chacun et face à elle-même, ainsi qu’au délitement de la famille nucléaire dans laquelle les choses ne sont jamais énoncées, encore moins reconnues. La mère est donc désignée comme coupable par sa fille, car la jeune femme imagine qu’elle savait. Elle encaissera sans mot dire ou presque, s’enfonçant de plus en plus dans sa chaise. De mère, elle change de statut et devient complice du crime. « Regarde-moi, chienne ! » dit la fille à la mère. Le rythme de la langue est celui de la rue, le mot est autoritaire et tranchant. On dirait un morceau de jazz escarpé, entrecoupé de silences, lourds, formant comme autant de plaques tectoniques qui se disjoignent. Chaque séquence est séparée de la suivante par un noir de quelques secondes. Au fil des séquences, petit à petit, apparaît un personnage complémentaire. Il y en aura six en tout, une fois en scène ils ne quittent plus le plateau.

Dans la fratrie, deux sœurs qui se désolidarisent de la troisième, l’aînée (Fille). L’une est atteinte de religiosité aigüe, l’autre d’un ardent déni. Dans cet huis-clos d’une famille malade où le jeu des regards pèse plus que les mots qui ne viennent pas, apparaît le frère, dernier atout d’un jeu de massacre qui à son tour passe aux aveux : la révélation d’avoir, lui aussi, été abusé tout en étant le protégé de la mère. La stupeur est immense, la blessure aussi. La place de chacun dans le regard des parents, se cherche. Une scène reste floue et ambigüe, ce moment où Fille vient s’asseoir sur le sol, devant son père : affrontement ou provocation ? On reste dans les non-dits.

Dramaturge, scénariste et réalisatrice afro-carribéo-britannique, debbie tucker green – qui épelle son nom ainsi que le titre de la pièce, en minuscules – écrit le plus souvent pour des acteurs/actrices noirs(es) et fait partie de l’avant-garde anglaise. En plus de vingt ans, elle a écrit une douzaine de pièces dont born bad (mal née), pour laquelle elle a remporté l’Olivier Award for Most Promising Newcomer, en 2004. Avec mauvaise c’est la première fois qu’une de ses pièces est jouée en France et, compte-tenu de la forme très parlée de l’écriture et des accents voulus, la traduction semble complexe. Quelques mots sur la forme comme entrée en matière dans la pièce publiée, donne quelques clés : « Bref, il s’agit de parler. Et de ne pas parler. Et de la façon dont ces personnages le font… » écrit-elle. On trouve dans son style la violence d’une Sarah Kane.

Sébastien Derrey, qui fut assistant de Marc François et dramaturge de Claude Régy pendant plus d’une dizaine d’années, la met en scène. Il a choisi de tourner le dos à tout réalisme et joue l’abstraction. Par la scénographie dépouillée autant que par le jeu des acteurs et leurs relations intrafamiliales, cela permet au spectateur de garder la distance. Lorry Hardel mène l’enquête sur ces jeux interdits qui l’ont détruite et sur le silence familial. Droit dans les yeux elle voudrait exhorter la fratrie à parler, mais en vain, elle fait face à la lâcheté du père et à l’effacement de la mère. Et quand Frère arrive, c’est un nouvel uppercut qu’elle reçoit. On est dans la poésie du traumatisme et sur des chemins où chacun semble avoir fait « le mauvais choix. » La suite reste à écrire.

Brigitte Rémer, le 17 mars 2022

Avec : Cindy Almeida de Brito (en alternance avec Océane Caïraty au T2G) Nicole Dogué, Lorry Hardel, Jean-René Lemoine, Bénédicte Mbemba, Josué Ndofusu Mbemba – collaboration artistique Nathalie Pivain – création sonore Isabelle Surel – lumière Christian Dubet – scénographie Olivier Brichet – costumes Elise Garraud – coaching vocal Emilie Pie – régie générale Christophe Delarue – administration Silvia Mammano – le texte est publié aux éditions Théâtrales, avec le soutien du programme Scènes étrangères de la Maison Antoine Vitez.

Du 12 au 18 mars 2022 à la MC93 maison de la Culture de Seine-Saint-Denis Bobigny – Du 23 au 31 mars 2022 au TNS de Strasbourg – Du 5 au 15 avril 2022, au T2G Théâtre de Gennevilliers, CDN (du lundi au vendredi à 20h, samedi à 18h, dimanche à 16h, relâches les jeudi 7 et mardi 12 avril) 41 rue des Grésillons. 92230 Gennevilliers – métro ligne 13, station Gabriel Péri.

Wozzeck

© Agathe Poupeney – Opéra national de Paris

Opéra en trois actes, musique et livret Alban Berg, d’après Woyzeck, pièce de Georg Büchner – mise en scène William Kentridge, co-mise en scène Luc de Wit – direction musicale Susanna Mälkki, avec l’Orchestre et les Chœurs de l’Opéra national de Paris, la Maîtrise des Hauts-de-Seine, le Chœur d’enfants de l’Opéra national de Paris – en langue allemande, surtitrage en français et en anglais – à l’Opéra-Bastille.

Quand on pénètre dans cette imposante salle de l’Opéra Bastille où le rideau de scène est levé, on est saisi par l’environnement scénographique composé de passerelles de bois, instables tels des ponts suspendus, de tortueux escaliers de guingois, de plateformes en équilibre, de portes dérobées. Sur le cyclorama du fond de scène l’évocation de la guerre par les dessins de William Kentridge pénètre la construction labyrinthique. L’œuvre est parsemée de croix rappelant l’art poétique du peintre Antoni Tàpies hanté par la guerre civile de son pays, l’Espagne et par la seconde guerre mondiale, elle fait aussi penser aux maisons obliques de Marc Chagall dans La Pluie (1911) ou La Maison bleue (1920), ou à la gravure de Paul Klee, The Magician in April (1928). William Kentridge, créateur visuel sud-africain au parcours éblouissant et singulier mêlant gravure, sculpture, théâtre et image animée, construit une œuvre théâtrale et poétique en même temps que politique. L’univers de Büchner va bien à ce magicien de l’image qui travaille depuis plus de vingt ans sur l’histoire africaine, l’apartheid et la décolonisation.

Fragmentaire et restée inachevée, la pièce de Georg Büchner (1813-1837), Woyzeck, servant d’argument au livret conçu par Alban Berg, date de 1836. Il l’écrit un an avant sa mort, frappé par le typhus à vingt-trois ans et laisse trois autres pièces qui, elles aussi, feront date :  Lenz, La Mort de Danton et Léonce et Léna. Büchner s’inspire d’un fait divers survenu à Leipzig en 1821, c’est la lecture de l’expertise psychiatrique à laquelle il eut accès qui lui a donné l’idée de la pièce. Sont en jeu les drames des petites gens et les différences sociales, la confusion mentale et la vie militaire. Büchner est un homme engagé. Pour lui « le rapport entre pauvres et riches est le seul élément révolutionnaire au monde » écrit Michel Cadot en introduction à la traduction de la pièce. Ainsi suit-on Woyzeck dans la pièce comme dans l’opéra de Berg, simple soldat servant de petite main à son capitaine de garnison, Hauptmann qui joue de son pouvoir et se moque de lui ; puis en compagnie d’Andrès son camarade de chambrée témoin de ses délires et obsessions :« Dis quelque chose Andrès ! Comme il fait clair ! Un feu tournoie dans le ciel, il vient de là-haut comme un fracas de trompettes. Comme ça monte ! Allons-nous-en. Ne regarde pas derrière toi » ; Woyzeck en blouse verte d’hôpital, face au docteur fantoche qui l’examine, stéthoscope en bandoulière et rétroviseur au chapeau, plus tortionnaire que médecin et qui fait sur lui des expériences contre un peu d’argent – l’espace de soins vu par William Kentridge ressemble étonnamment aux chambres à gaz de Birkenau -. Des conditions d’existence difficiles, une fiancée infidèle, Marie et leur enfant en bas-âge, la jalousie, la provocation de l’amant, Tambour-major, le meurtre de l’aimée. Telle est la trame du drame. « Rien, rien que le silence comme si le monde était mort » dit Woyzeck, cachant l’instrument du meurtre, son couteau.

© Agathe Poupeney – Opéra national de Paris

Alban Berg, compositeur autrichien (1885-1935), découvre la pièce au début de l’année 1914 au cours d’une représentation et composera son opéra entre 1917 et 1922. Entre-temps il rencontre la réalité militaire sous les drapeaux lors de la Première Guerre Mondiale, avant d’être assigné au ministère de la guerre, à Vienne, pour raison de santé. Auparavant il avait fait partie du mouvement d’avant-garde artistique du Cavalier bleu (Der Blaue Reiter) qui regroupait entre autres les peintres Franz Marc, August Macke et Vassily Kandinsky, groupe qui avait créé en 1912 un Almanach basé sur le décloisonnement des arts et l’élaboration d’un chemin vers l’abstraction. Musicalement, Arnold Schönberg – avec la création en 1909 de son opéra en un acte, Erwartung – son élève, Alban Berg ainsi que Richard Strauss, compositeur notamment d’Elektra en 1909, se sont inscrits dans cette révolution de l’expressionnisme musical. A cette même époque les recherches de Freud sont sur le devant de la scène : en 1910, il publie ses Cinq leçons sur la psychanalyse.

© Agathe Poupeney – Opéra national de Paris

Quand Wozzeck est présenté au public le 14 décembre 1925, à Berlin, Alban Berg remporte un vif succès et assied sa renommée comme compositeur. Schönberg lui-même écrit, non sans jalousie, que ce fut « l’un des plus grands succès qu’ait connu l’opéra. » Tout en restant attaché au passé, gardant certains traits d’une esthétique néo-classique, Alban Berg ouvre les voies d’une musique nouvelle et joue de formes musicales diverses, travaillant entre autres sur le leitmotiv, au gré de l’avancée et de la tension dramatiques. Le compositeur construit son œuvre en trois parties, brillamment interprétées par l’Orchestre, les Chœurs et le Chœur d’enfants de l’Opéra national de Paris ainsi que la Maîtrise des Hauts-de-Seine, sous l’exceptionnelle direction musicale de Susanna Mälkki, violoncelliste et cheffe d’orchestre finlandaise, très active dans le domaine de l’opéra contemporain et qui fut entre autres, directrice musicale de l’Ensemble Intercontemporain qui se consacre à la diffusion des œuvres du XXe siècle à aujourd’hui.

Ces trois parties déterminent des styles et mouvements musicaux divers, soulignant la richesse de l’Opéra de Berg : l’Exposition, avec cinq pièces de caractère – suite, rapsodie, marche militaire, berceuse, passacaille et rondo ; Péripétie, symphonie dramatique où se développent sonate, fantaisie et fugue, mouvement lent, scherzo et rondo ; la Catastrophe qui lance six inventions : sur un thème, sur une note, sur un rythme, sur un accord, sur une tonalité, sur un mouvement de quartes. Tous les contraires se trouvent dans la partition suivant le développement de la pièce. Le parler et le chanter alternent. On y trouve des motifs, des archétypes comme la marche militaire, la chanson populaire d’Andrès ou la berceuse de Marie. Le contexte de l’œuvre est atonal, l’atonalité étant une spécificité de l’École de Vienne qui utilise toutes les ressources de la gamme chromatique, suspendant les fonctions et les lois tonales sur lesquelles reposait la musique occidentale, depuis les précurseurs de Bach. La paternité en revient à Schönberg et précède son système dodécaphonique.

© Agathe Poupeney – Opéra national de Paris

La lecture que fait William Kentridge de l’Opéra d’Alban Berg est d’une extraordinaire intelligence et densité. Il prend la guerre pour angle de vue en référence à la Grande Guerre traversée par le compositeur au moment où il écrit son Opéra. Cette version de Wozzeck a été créée au Festival de Salzbourg en 2017, la guerre en Ukraine donne aujourd’hui une autre intensité au propos qui résonne avec encore plus de force. Les dessins réalisés par le metteur en scène-artiste visuel sont projetés et recouvrent entièrement la structure scénographique et le cyclorama. D’une grande puissance dramatique ils accompagnent l’action, les voix et les tempos de l’opéra, et placent le spectateur au milieu des militaires et des blessés, sur le champ de bataille – champs de ruines, fumées et masques à gaz, chute d’avions, destruction et désarroi, gueules cassées et enfants soldats -, ils recouvrent même les gens du village assemblés à l’auberge, pour un temps qui aurait dû être festif. Parfois des dessins tombent du ciel comme tombent les bombes et se superposent aux autres images. Parfois, les lumières soulignent le texte et trouent l’écran comme autant de tirs de snipers. L’expression est dramatique, la construction formelle, le style expressionniste. William Kentridge excelle dans les différentes techniques des arts plastiques, graphiques et du théâtre dont le théâtre d’ombres – une fanfare et un défilé d’ombres, la marionnette/représentation de l’enfant de Marie et Wozzeck au visage recouvert d’un masque à gaz, cruelle métaphore de la guerre, les fusains, les dessins et peintures, une technique cinématographique singulière que le metteur en scène appelle l’animation du pauvre.

Dès la première scène, Wozzeck, simple soldat (Johan Reuter baryton-basse) tourne manuellement le projecteur de films en celluloïd qu’il visionne sur sa vie, sa compagne Marie et leur fils et quand Hauptmann son capitaine, arrive, vareuse bordeaux et haut bonnet à poils (Gerhard Siegel, ténor) ce dernier le provoque. Andrès (Tansel Akseybek, ténor) essaie de le distraire mais Wozzeck est en errance et habité de fantasmes. Quand il rend visite à Marie (Eva-Maria Westbroekue magnifique soprano), vêtue d’une robe au beau rouge fané, pris dans ses hallucinations il ne s’intéresse pas à leur fils et se le fait reprocher.

Margret, une voisine, chante une berceuse ((Marie-Andrée Bouchard-Lesieur, mezzo-soprano) et Marie regarde passer la parade militaire. Le Tambour-major (John Daszak, ténor) lui fait des avances par son chant qui séduit. Après avoir décliné la proposition, Marie se laisse glisser dans ses bras. Trahie par les scintillantes boucles d’oreille qu’elle porte et le bouche-à-oreille qui va bon train au village, son destin est scellé, tandis que Hauptmann et le Docteur complotent et préparent la mise à mort psychologique de Wozzeck. Dans les reliefs de la scénographie se jouent les rapports de force tandis qu’un mouvement de foule conduit ouvriers et soldats portant masques à gaz sur le visage, chaises ou béquilles dans les mains, à se rassembler pour faire la fête à la taverne du village.

© Agathe Poupeney – Opéra national de Paris

Les personnages se fondent dans les images de l’écran. L’orchestre joue, surplombant la foule où Marie est vue par Wozzeck, dansant avec le Tambour-major : deux violons, une guitare, un accordéon, un cor sont sur scène, la force du chœur et le chant des soldats accompagnent la montée dramatique. Suit une courte rencontre entre Marie aux cheveux dénoués et portant un beau collier rouge et Wozzeck aux gestes flous. Il accuse, elle fait face et se défend, il repart. La fête se mêle au drame. Le cyclo se remplit de cartes et de points cardinaux, quelques étoiles clignotent. Il revient quelques instants plus tard pour une ultime rencontre, tous deux sont côte à côte dans un grand silence glacé, et le temps se suspend. Calmement et sous la montée des cuivres, Wozzeck sort son couteau de la poche, se retourne et le plante dans le ventre de Marie. Tout est finement dessiné par la mise en scène sous le crescendo des percussions. Les images d’une forêt morte, aux arbres à la cime dévastée envahissent l’écran tandis que Wozzeck, la tête envahie du bruit des soldats en mouvement, agonise du côté de l’étang, cherchant encore son couteau. Le corps de Marie dans sa robe rouge, au loin, reste perceptible sous un chaos musical. Reste l’enfant-marionnette sur le devant de la scène, assis sur une béquille qu’il chevauche comme pour s’envoler ou pour rêver et déjà les autres enfants le questionnent sur sa mère et se moquent.

Tout au long de la représentation de l’opéra d’Alban Berg les instruments dialoguent avec les solistes ou les accompagnent. Une véritable écoute se construit entre eux sous la baguette de Susanna Mälkki. Wozzeck est une extraordinaire proposition tant musicale que visuelle, de mise en scène et d’interprétation. Tous ceux qui y participent peuvent être chaleureusement félicités, solistes, chœurs, acteurs, chanteurs, créateurs techniques et techniciens. On trouve dans l’œuvre tout ce qui a fait le XXème siècle et surtout la guerre ; la figure de l’enfant, récurrente, avec cet enfant-soldat dans la neige, marchant au pas de l’oie sur des barbelés ; le subconscient et la psychanalyse freudienne, nouvelle découverte, dans la folie de Wozzeck. Büchner en quelques mots résume sa pièce dans l’acte II scène 3 : « L’homme est un abîme, la tête vous tourne quand vous regardez dedans. »

Brigitte Rémer, le 25 mars 2022

Avec : Wozzeck, Johan Reuter – Tambourmajor, John Daszak – Andrès, Tansel Akzeybek – Hauptmann le capitaine, Gerhard Siegel – Doktor, Falk Struckmann – Erster Handwerksbursch,  Mikhail Timoshenko – Zweiter Handwerksbursch, Tobias Westman – Der Narr, Heinz Göhrig – Marie, Eva-Maria Westbroek – Margret, Marie-Andrée Bouchard-Lesieur – Ein Soldat, Vincent Morell et les comédiens : Nathalie Baunaure, Fitzgerald Berthon, Andrea Fabi, Manon Lheureux.

© Agathe Poupeney – Opéra national de Paris

Direction musicale Susanna Mälkki – mise en scène William Kentridge – co-mise en scène Luc De Wit – création vidéo Catherine Meyburgh – décors Sabine Theunissen – costumes Greta Goiris – lumières Urs Schönebaum – opératrice vidéo Kim Gunning – cheffe des Chœurs/Opéra national de Paris Ching-Lien Wu – directeur de la Maîtrise, Gaël Darchen/Maîtrise des Hauts-de-Seine / Chœur d’enfants de l’Opéra national de Paris – Production Salzburger Festspiele, Metropolitan Opéra de New-York, Canadian Opéra Company de Toronto, Opéra Australia.

Opéra national de Paris/Opéra Bastille, les 10, 16, 19, 24, 30  mars à 20h – les 13 et 27 mars à 14h30 – Place de la Bastille 75012 Paris – métro : Bastille (lignes 1, 5 et 8), Gare de Lyon (RER) Bus : 20, 29, 65, 69, 76, 86, 87, 91 – parking : Q-Park Opéra Bastille – 34 rue de Lyon 75012 Paris – site : operadeparis.fr/en – tél. : +33 1 71 25 24 23. – Les sept représentations de Wozzeck données à l’Opéra-Bastille sont dédiés aux victimes de la guerre en Ukraine.

Le jour se rêve

© Giovanni Cittadini Cesi

Chorégraphie Jean-Claude Gallotta, avec les danseurs du groupe Émile Dubois – musique Rodolphe Burger.

C’est une pièce pour dix danseurs qui rend hommage à Merce Cunningham, l’un des maîtres avec qui Jean-Claude Gallotta a travaillé à New-York dans les années soixante-dix, et qui inscrivait ses recherches chorégraphiques entre danse, théâtre et musique. Un spectacle pétillant de gaieté, de couleurs et d’humour, conduit par la voix de velours de Rodolphe Burger et construit en trois temps et deux apparitions magiques du chorégraphe, en solo.

Pour entrer dans la danse il suffit de lâcher prise et de se laisser glisser dans l’énergie mobile et l’abstraction des mouvements et compositions rythmiques, renforcées par les costumes de la plasticienne Dominique Gonzalez-Foerster. Le geste chorégraphique est ludique, sympathique et magnétique, il est une ode à la vie, à la fantaisie, à l’ironie. Jean-Claude Gallotta n’est certes pas un novice, il a à son actif plus de quatre-vingts pièces mais la décontraction et l’invention des danseurs et de la recherche gestuelle demeurent. Il a fondé en 1979 à Grenoble le Groupe Émile Dubois, devenu en 1984 l’un des premiers centres chorégraphiques nationaux. Sa troupe a alors ses studios dans la Maison de la culture de Grenoble dont il devient le directeur de 1986 à 1988.

Artiste associé au Théâtre du Rond-Point depuis plusieurs années, Jean-Claude Gallotta y inscrit sa démarche d’ouverture aux autres arts, dont la musique et la voix. Il y a présenté une trilogie autour du rock : My Rock rapprochait deux géants américains issus de deux univers totalement différents, Elvis Presley et Merce Cunningham. Avec My Ladies Rock il faisait danser son équipe sur quatorze morceaux emblématiques de femmes rockeuses dont Aretha Franklin, Marianne Faithfull et Janis Joplin. Dans L’Homme à tête de chou il superposait les voix de Serge Gainsbourg à qui il rendait hommage et d’Alain Bashung qui n’avait pas eu le temps d’accompagner le projet jusqu’au bout mais était resté présent par les chansons enregistrées avant sa disparition.

Le titre du spectacle, Le jour se rêve, pastiche le titre du célèbre film de Marcel Carné et Jacques Prévert sorti en 1939, Le jour se lève, beaucoup plus noir que la chorégraphie gentiment insolente de Jean-Claude Gallotta. Chez le chorégraphe tout est dans la mobilité. Il part des danseurs, de leur potentiel et de leur fluidité puis écrit les séquences comme un film se construit au montage. « L’expression est dans le rythme » disait Cunningham, qu’il cite.

Dans la pièce, trois chorégraphies s’emboîtent les unes dans les autres et donnent des couleurs différentes : la première, en harmonie avec la nature, s’inscrit dans un esprit chamanique ; la seconde est urbaine et témoigne d’un peu de la folie et des lumières de la ville ; la troisième lance ses rythmes pied à pied avec les chansons de Rodolphe Burger, fondateur du groupe Kat Onoma, qui travaille à la frontière de textes dramatiques et philosophiques, et développe depuis plus d’une douzaine d’années de nombreuses créations de spectacles. Dans les entre-deux de ces parties, l’apparition de Gallotta danseur semble sortir tout droit de chez Chaplin, Man Ray ou Picabia.

Ensemble, Jean-Claude Gallotta et Rodolphe Burger ont dessiné dans Le jour se rêve de nouveaux espaces sonores, spatiaux et poétiques où se croisent musiques et théâtres, singularités et ritournelles, exploration et alchimie, rigueur et improvisation. Les danseurs habitent ces espaces chacun avec sa personnalité donnant à la pièce un air à la fois profond et léger, dense et gai, inventif et fantaisiste.

Brigitte Rémer, le 15 mars 2022

Avec : Axelle André, Naïs Arlaud, Ximena Figueroa, Ibrahim Guétissi, Georgia Ives, Fuxi Li, Bernardita Moya Alcalde, Jérémy Silvetti, Gaetano Vaccaro, Thierry Verger, Jean-Claude Gallotta. Assistanat à la chorégraphie Mathilde Altaraz – dramaturgie : Claude-Henri Buffard – textiles et couleurs Dominique Gonzalez-Foerster – assistanat aux costumes Anne Jonathan, Chiraz Sedouga – lumière : Manuel Bernard

Création le 6 octobre 2020 au Manège/Scène nationale de Maubeuge – Vu au Théâtre du Rond-Point/ Paris en février 2022 – Prochaines représentations les 12 et 13 avril 2022 à l’Espace Malraux/Scène nationale de Savoie, Chambéry.

Le Kiev City Ballet au Théâtre du Châtelet

©Thomas Amouroux-Théâtre du Châtelet

Soirée exceptionnelle en soutien au peuple ukrainien avec le Kiev City Ballet et des danseurs de l’Opéra national de Paris – au Théâtre du Châtelet, en partenariat avec le Théâtre de la Ville.

Vingt-cinq danseuses et danseurs du Kiev City Ballet dirigé par Ekaterina Kozlova et Ivan Kozlov étaient en tournée en France, à l’annonce de la guerre dans leur pays, l’Ukraine. Ils présentaient entre autres Casse-Noisette pour le jeune public, certains danseurs sont particulièrement jeunes. Outre l’inquiétude et le chagrin, ils font face à l’impossibilité de rentrer.

La salle est archi-pleine et l’objectif de la soirée donné par Anne Hidalgo. La Maire de Paris annonce qu’au-delà de cette soirée, le Théâtre du Châtelet accueillerait le Kiev City Ballet en résidence à long terme. Il nous faut « poser la culture comme une arme pacifique » dit-elle. Par ailleurs un appel a été lancé aux centres chorégraphiques et ballets de France pour partager leur outil de travail.

©Thomas Amouroux-Théâtre du Châtelet

Structuré en deux temps, la première partie de la soirée prend la forme d’une classe donnée à tour de rôle par Aurélie Dupont, directrice de la danse de l’Opéra de Paris et Bruno Bouché, directeur du Ballet du Rhin. Plus de soixante danseurs des deux formations mêlées font ensemble leurs exercices d’assouplissement puis leurs entrainements aux rythmes du pianiste-accompagnateur du Ballet de l’Opéra de Paris, Louis Lancien. Pour Aurélie Dupont qui se prête à l’exercice avec professionnalisme et gentillesse en anglais et en français, « toute danse est un pas fait vers l’autre. » Bruno Bouché lui emboîte le pas apportant, pour détendre l’atmosphère, une pointe d’humour. Certains danseurs du Kiev City Ballet ont la timidité du grand plateau parisien.

Fondée en 2014 par Ivan Kozlov, ancien Principal du Théâtre Mariinsky – autrefois le Kirov de Saint-Pétersbourg – le Kiev City Ballet a présenté en seconde partie des extraits de son répertoire.: Le Lac des Cygnes, d’après Marius Petipa/ Pas de deux et Pas de trois. En quelques répétitions le danseur étoile de l’Opéra de Paris, Paul Marque et Olga Posternak, du Kiev City Ballet donnent l’impression d’avoir toujours dansé ensemble ; Taras Bulba/Variation d’Ostap, dans une chorégraphie de Fedor Lopoukhov ; Flammes de Paris/Variation de Jeanne, chorégraphie d’après Vassili Vainonen ; Casse-Noisette/Danse des Mirlitons, Pas de trois, d’après Marius Petipa ; Composition de Vladyslav Dbshynskyi ; Men From Kiev, en tee-shirt jaune et bleu, aux couleurs du pays, dans une chorégraphie de Pavlo Virsky ; Défilé du Kiev City Ballet Marche des cosaques zaporogues portant pantalons de satin rouge.

©Thomas Amouroux-Théâtre du Châtelet

En guise de final l’Hymne ukrainien, joué par la pianiste Katia Buniatishvili et l’Orchestre de chambre de Paris, sous la direction de Victor Jacob, en vidéo, fut un moment de grande émotion, danseurs la main sur la poitrine.

Une grande ferveur était dans la salle, l’ovation rendue fut à la hauteur du désarroi général.

Brigitte Rémer, le 10 mars 2022

La recette de la billetterie est intégralement reversée à Acted, ONG de solidarité internationale et à La Croix Rouge.

 

L’Île d’Or

© Michèle Laurent

Une création collective du Théâtre du Soleil, en harmonie avec Hélène Cixous, dirigée par Ariane Mnouchkine – musique de Jean-Jacques Lemêtre – au Théâtre du Soleil, Cartoucherie de Vincennes.

C’est entre la tradition et le monde d’aujourd’hui que s’écrit le spectacle d’Ariane Mnouchkine, à la manière d’un conte japonais. Un kuroko, assistant de noir vêtu issu du kabuki, ouvre malicieusement la soirée, entre salle et scène.

On pénètre dans l’histoire par Cornélia, l’Astrid d’Une chambre en Inde, précédent spectacle du Théâtre du Soleil. Clouée ici au fond d’un lit-cage à roulettes, aux mains d’un ange gardien-infirmier qui la fait voyager de part et d’autre du plateau, elle rêve de Japon et de festival – à moins qu’elle ne délire : elle s’imagine à l’autre bout du monde, dans un endroit magique et purement imaginaire, nommé L’Île d’Or, Kanemu-jima. C’est par le philtre de son regard perdu que se déroule l’action.

© Michèle Laurent

Cette invention, fil rouge de la dramaturgie, permet recherche esthétique et création d’images, changements de décors et traductions musicales. C’est aussi un prétexte pour que les arts traditionnels du Japon y côtoient la modernité. « Une île, c’est-à-dire au théâtre, le monde. Voilà déjà ce dont je suis sûre » dit la maitresse de cérémonie. Et même si l’argument reste un peu flou, avec Ariane Mnouchkine et sa trentaine de comédiens, le voyage s’annonce plein d’imprévus, tout y est invention, action, chorégraphie et poésie. Le travail devait emmener la troupe du Théâtre du Soleil dans l’Île de Sado-Gachima lieu de haute culture héritée du passé – où fut relégué Zeami, grand dramaturge et acteur du théâtre Nô au XIVème/XVème siècle – car la troupe aime à travailler in situ et à échanger avec les équipes artistiques locales. La pandémie en a décidé autrement.

Dans L’Île d’Or, des artistes et leurs troupes venant des quatre coins du monde dont l’Afghanistan, le Brésil, Israël et la Palestine, Hong Kong et tous pays où la liberté est en souffrance, sont attendus par le Maire de Kanemu-Jima, mais dans l’Île, certains opposants guettent. Ils ont pour objectif de renverser le pouvoir en place, détruire le hangar qui doitt héberger le festival de théâtre et transformer l’Île en paradis artificiel et lucratif. La corruption est là. Le lieu devient une métaphore du monde, comme l’est le Théâtre du Soleil. Comme toujours dans le travail d’Ariane Mnouchkine, derrière la fable se trouve l’exil, l’exploitation, l’engagement et la résistance. Différentes langues comme le japonais, l’arabe, l’hindi, l’hébreu, le russe et le persan d’Afghanistan traversent le spectacle et la langue française se construit à l’envers, plaçant le verbe en fin de phrase à la manière japonaise, accentuant encore son côté poétique.

Le cadre et l’argument posés, la mise en œuvre de cette philosophie politique passe, au Théâtre du Soleil, par les comédiens et leur environnement, toujours en mouvement. Des tréteaux de bois sur roulettes construisent et déconstruisent l’espace de jeu et le métamorphosent d’auberge en sauna, et de chambre en place de village. Les images se construisent en direct. Des tissus se gonflent et se transforment en mer du Japon, une tempête guette, de petites lanternes s’allument, au loin derrière de grandes baies vitrées où l’on voit des paysages à la Hokusai et la lune à travers la fenêtre. Des personnages masqués, une troupe ambulante qui porte son maigre bagage et arrive dans les brumes du matin. Une taverne tapissée de bois, un personnage perché en haut d’un long mât, un grand frigo, des bleus, des crépuscules, de grands arbres et de petits matins blêmes, un hélicoptère, des conversations dans un sauna embué, des pommiers en fleurs, un vizir passant à dos de chameaux, silhouettes de contre-plaqué, le docteur Li Wenliang, lanceur d’alerte au début de l’épidémie coronavirus en Chine, en 2020 et qui en est mort peu de temps après, représenté par une figurine. Fiction et réalité se mêlent et s’entrechoquent. Un final où de grandes aigrettes ou grues cendrées, acteurs perchés sur échasses, enjambent un fond de nuages satinés, où une danse des éventails savamment maitrisée, rassemble l’ensemble de la troupe avec grâce et majesté.

© Michèle Laurent

On retient son souffle. Dans L’Île d’Or gravité et rire se côtoient. Le jeu des comédiens, le travail de la lumière, les masques, le texte écrit en harmonie avec Hélène Cixous, la musique de Jean-Jacques Lemêtre, les toiles peintes, les ombres et figurines sont autant de couleurs qui forment le tableau. Sens, énergie, magie, rythmes, beauté, sont les maîtres-mots du spectacle. Les comédiens ont travaillé le kyôgen pour les postures et séquences comiques des intermèdes, le nô et le kabuki. L’intérêt du Théâtre du Soleil pour les arts asiatiques n’est pas récent, plusieurs spectacles ont puisé dans les cultures de ces pays, et c’est une immersion complète qui nous est proposée.

Dès l’entrée, dans ce bel endroit de la Cartoucherie qui n’a jamais perdu son âme, l’environnement saisit, aujourd’hui sur le thème du Japon, l’accueil y est exceptionnel, unique, Ariane Mnouchkine toujours présente et prête à intervenir, saluer, sourire, de même que ceux qui l’entourent. Lanternes japonaises et soupes du pays, l’atmosphère est au Japon. Tambours qui frappent et se répondent avec énergie, cadeau d’après le spectacle, plaisir de ne pas partir tout de suite, de se trouver dans cette communauté d’esprit qui parle du monde et du réel dans sa complexité, qui réfléchit à l’art du théâtre, dans son travail infini et ses recherches, ses écritures et inventions, ses libertés. Soleil !

Brigitte Rémer, le 8 mars 2022

Avec : Shaghayegh Beheshti, Duccio Bellugi-Vannuccini, Georges Bigot, Aline Borsari, Sébastien Brottet-Michel, Juliana Carneiro da Cunha, Hélène Cinque, Marie-Jasmine Cocito, Eve Doe Bruce, Maurice Durozier, M. W. Brottet, Farid Gul Ahmad, Sayed Ahmad Hashimi, Samir Abdul Jabbar Saed, Martial Jacques, Dominique Jambert, Judit Jancso, Shafiq Kohi, Agustin Letelier, Vincent Mangado, Andrea Marchant, Julia Marini, Alice Milléquant, Taher Mohd Akbar, Nirupama Nityanandan, Miguel Nogueira Da Gama, Seietsu Onochi, Vijayan Panikkaveettil, Ghulam Reza Rajabi, Omid Rawendah, Xevi Ribas, Arman Saribekyan, Thérèse Spirli – Musiciens : Jean-Jacques Lemêtre, assisté de Marie-Jasmine Cocito en alternance avec Clémence Fougea, et Ya-Hui Liang – lumières Virginie Le Coënt, Lila Meynard  – vidéo Diane Hequet – marionnettes Erhard Stiefel, avec l’aide de Simona Grassano – costumes Marie-Hélène Bouvet, Nathalie Thomas, Annie Tran, avec l’aide de Haroon Amani – perruques et coiffures Jean-Sébastien Merle – accessoires Xevi Ribas, assisté par Luca Botté-Luce et Cécile Carbonel – sons Thérèse Spirli.

Une coproduction Théâtre du Soleil, TNP/Villeurbanne, Maison de la Culture d’Amiens – avec le soutien de la Fondation Inamori (Kyoto) et de Park Avenue Armory (New York) – En tournée : 2022, TNP/Villeurbanne (9 au 26 juin 2022), Maison de la Culture d’Amiens, Théâtre de la Cité/ Toulouse – 2023, TMT/Tokyo, Rohm Theatre/Kyoto – Création le 3 novembre 2021 à la Cartoucherie de Vincennes où le spectacle se poursuit.

Cartoucherie de Vincennes, 2 route du Champ de Manœuvre, 75012 – site : theatre-du-soleil.fr – tél. : 01 43 74 24 08 – du mercredi au vendredi à 19h30, le samedi à 15h, le dimanche à 13h30, durée 3h15 avec entracte.

Pour l’Ukraine – L’appel du monde culturel français


Drapeau ukrainien © DR

 

Plus de quatre-vingts professionnels du domaine de l’art et de la culture ont en quelques heures signé le message ci-dessous, assurant leurs alter-ego d’Ukraine de leur solidarité. Bien d’autres ne tarderont pas à les rejoindre.

 

Nous, directrices et directeurs de lieux culturels en France, nous exprimons par ce message notre solidarité au peuple ukrainien et aux artistes ukrainiennes et ukrainiens.

Nous sommes, face à l’urgence et aux dangers encourus par des artistes contraints de fuir la guerre, prêts à nous mobiliser, à contribuer à les accueillir en France afin qu’ils puissent continuer leur activité et ainsi préserver la libre expression de la culture ukrainienne.

Drapeau ukrainien © DR

 

A vous, Oxana, Ludmila, Nina, Tarass, toutes nos pensées de fraternité et d’amitié.